Spruces
SPRUCES
2009 – 2010
formats divers (voir plus bas)
acrylique sur papier 300g
« Spruces » est un projet artistique prenant ses racines dans une série de randonnées au cœur du parc naturel Hautes Fagnes-Eifel – Naturpark Hohes Venn-Eifel, une réserve transfrontalière créée en 1957, située entre la Belgique et l’Allemagne.
S’étendant sur plus de 4 000 hectares, ce site remarquable est la plus vaste réserve naturelle de Belgique. Il se compose de paysages variés : des landes plus ou moins boisées, des bas-marais, des tourbières précieuses et fragiles, ainsi que quelques îlots de forêts mixtes, mêlant feuillus et résineux. La richesse de sa flore et de sa faune, étroitement liée à un climat froid et humide, confère à cette région un caractère exceptionnel.
Les contreforts du plateau sont principalement dominés par d’imposantes plantations de conifères. Quant aux tourbières, elles trouvent leur origine il y a environ 7 500 ans, à la fin de la dernière période glaciaire. Cependant, dès le XIXe siècle, le paysage originel des tourbières subit de profondes transformations, causées par une exploitation humaine intensive. La plantation massive d’épicéas, motivée par des intérêts économiques et sociaux, bouleversa durablement l’écosystème local.
Ces épicéas, introduits dans un environnement qui n’était pas naturellement le leur, ont fini par coloniser presque l’ensemble du territoire. Pourtant, l’abandon progressif des pratiques de drainage par l’homme a permis une remontée des nappes d’eau dans les tourbières. Ce changement, associé à l’acidité extrême des sols et aux conditions climatiques rudes, a rendu le milieu hostile à ces conifères. Progressivement, les épicéas ont commencé à dépérir. Le phénomène a été exacerbé par des incendies, parfois naturels, parfois provoqués, qui se sont multipliés sur ces terres devenues plus sèches par endroits.
Aujourd’hui, ce paysage porte les stigmates de cette évolution : des carcasses d’arbres morts, figées, dénudées et fantomatiques, témoignent de cette cohabitation manquée entre l’homme et la nature.
Ce sujet m’a profondément interpellé par la dramaturgie qu’il révèle : un exemple puissant des conséquences de nos activités humaines sur l’équilibre naturel. Les épicéas – ou « Spruces » – incarnent pour moi ce paradoxe tragique : nos interventions, souvent dictées par des besoins économiques ou un manque d’anticipation, finissent par engendrer un déséquilibre écologique et, parfois, la mort. Ces arbres morts sont les témoins silencieux de nos erreurs et de notre incapacité à respecter les dynamiques naturelles.
Ce travail s’inspire de diverses références artistiques, notamment le romantisme allemand incarné par le peintre Caspar David Friedrich. À travers ses paysages sublimes et émouvants, Friedrich illustre la profondeur de la nature et son lien avec les émotions humaines, une approche qui résonne fortement dans mon travail.
Je puise également dans la peinture asiatique, en particulier celle de Kuo Hsi, maître chinois de la peinture de montagne et d’eau, et celle de Kano Sansetsu, peintre japonais de l’école Kano. Leurs œuvres, à la fois spirituelles et expressives, explorent la relation entre l’homme et la nature, tout en capturant des atmosphères uniques et introspectives.
Ces influences se rejoignent dans ma démarche, cherchant à dépasser la simple représentation du paysage pour en faire un miroir de notre relation au monde et à nous-mêmes.